23 mai 2008

Que faire quand le travail va mal ?

Par Mathias Dorel (Cahiers Des RH 2008)



Le stress, l’angoisse de vivre, la dépression sont communément considérés comme des "maladies de civilisation" dont témoigne la surconsommation d'antidépresseurs et d'anxiolytiques de nos concitoyens. Ces maladies se manifestent d’une façon particulière dans un environnement physique, psychique et social donné, compte tenu des conditionnements, des croyances, des valeurs collectives et individuelles et, des attentes qui en découlent. Il est certain que la structure économique et sociale de nos sociétés postmodernes est à l’origine de nombre de nos états de mal-être ou les favorise.
L'univers du travail est en première ligne face à ces nouvelles pathologies. Aujourd'hui les situations de harcèlement moral au travail, d'épuisement physique et émotionnel (burn-out) sont de plus en plus reconnus, combattus parmi ceux qui sont en charge des Ressources Humaines au sein des entreprises et d'autres organisations (milieu scolaire, hospitalier, etc.). Ils doivent faire face à un risque psychosocial croissant qui représente un coût considérable pour l'entreprise et la société. Au cours de ces deux dernières décennies, de nombreux facteurs sont à l'origine de ces nouvelles pathologies et de leur prise en compte au sein de l'entreprise. Une première série de facteurs découle de l'environnement socio-économique de nos économies post-tayloriennes qui ont bouleversé les repères de nombreux salariés, cadres et mêmes dirigeants. La concurrence à la fois nationale et internationale acharnée que se livrent les entreprises et les travailleurs dans une économie mondialisée, la diminution des marges bénéficiaires, les impératifs de la gestion à court terme auxquelles sont soumises la plupart des entreprises sont quelques-uns de ces facteurs environnementaux. "De leurs salariés, les entreprises attendaient autrefois qu’ils soient tout simplement présents. Désormais, elles exigent d’eux qu’ils se montrent transparents. Hier, c’étaient les corps et les mouvements dans les usines que Frédéric Winslow Taylor et Henry Ford traquaient. Dorénavant, ce sont les valeurs des collaborateurs, leurs croyances, leur intériorité, leur personnalité qui sont convoitées. Une évolution sociologique majeure. Sous l’influence du management postmoderne, la frontière entre la sphère privée et la sphère publique devient un enjeu de lutte historique, à l’instar de l’émission «Loft Story», qui expose médiatiquement ce qu’autrefois on cachait : son intimité".

                                                            
La tentation du « loft management », Stéphane Haefliger, Le Monde Diplomatique, mai 2004 
 
Une nouvelle logique de la gestion des Ressources humaines (mise en compétition et demande accrue de résultats des acteurs de l’entreprise) s'est ainsi développée pour permettre aux entreprises de lutter dans ce nouvel environnement économique mondialisé. Les thèmes du "stress" et de la "crise de confiance" viennent sur le devant de la scène au moment même où le tabou du temps de travail effectif commence à se briser. Une "rupture" s'est bien produite ! Au-delà même des contraintes environnementales qui fragilisent la situation des salariés, quelque soit leur catégorie (un tiers des cadres français déclarent avoir connu au moins un épisode de chômage, les salariés peu diplômés de plus de 50 ans sont fortement touchés par des difficultés de retour à l'emploi, etc.), c'est la gestion des entreprises qui a profondément changé. "En effet, le cadre à la française ne bénéficiait pas seulement d'une sécurité d'emploi. Il avait devant lui un «plan de carrière», une progression programmée dans la hiérarchie d'une organisation stable. Inspiré de la fonction publique, ce mode de gestion a permis de promouvoir au titre de cadre une masse d'autodidactes et de fonder des espoirs d'ascension professionnelle chez tous". Aujourd'hui, l'individualisation du parcours professionnel des salariés est devenue la nouvelle norme. Si sur le principe, cette norme possède un
caractère humaniste certain ; chaque individu poursuit sa carrière en fonction de ses compétences personnelles et grâce à sa façon de les mettre en œuvre au lieu de suivre une progression commune à tous ; elle développe malheureusement des effets pervers : une concurrence accrue entre les salariés et la nécessité de posséder des qualités personnelles (le savoir-être) qui deviennent aussi importantes pour la carrière que les talents professionnels (le savoir-faire). Auparavant, au cours de l'entretien d'embauche, les chefs du personnel examinaient avant tout les capacités "techniques" des candidats, attestées par l’expérience, par les diplômes et par les certificats de travail. Aujourd'hui, les responsables de Ressources humaines approfondissent leurs entretiens en étudiant avec une
extrême attention le profil de personnalité du candidat potentiel, ses compétences sociales, son intelligence émotionnelle (ou QE), son talent à créer des liens, à communiquer, à gérer des conflits...
Cette nouvelle norme sociale, qui n'est pas l'unique apanage de la seule entreprise car également diffusée par l'école, les centres de formation, les médias, incite les individus à faire preuve d'"autonomie" et de "responsabilité", dans leur vie personnelle et professionnelle.
                                                            

La grande rupture, Paul Bouffartigue, André Grelon, Guy Groux, Jacqueline Laufer et Yves‐Fréderic Livian, éd. La Découverte (Paris, 2001). 

"Ils se doivent d'être «motivés», «réactifs», «participatifs». [...] Leur «motivation» et leur «savoir-être» qui relevaient antérieurement de leur vie privée ou de leurs libres activités sociales se trouvent eux aussi soumis à évaluation et «mobilisation». [...] Le thème de l'autonomie est mis en avant dans une optique sacrificielle visant l'acceptation de l'intensification du travail et l'intériorisation de nouvelles normes. [...] On mettra tout en œuvre pour recueillir une parole qui soit le signe de l'assentiment de l'individu. [...] Chacun est invité à être l'«acteur de son propre changement», portant sur ses épaules le poids d'une responsabilité étrange et difficile à assumer". A ces deux types de facteurs, environnement économique et nouvelle organisation du travail, vient s'ajouter une série de facteurs intervenant dans le développement de ces nouvelles pathologies du travail : les facteurs individuels ou personnels. En effet, chacun d'entre-nous va développer ses propres exigences de réalisation de
soi-même. Au niveau professionnel, il a été constaté que parmi les individus victimes du syndrome d'épuisement physique et émotionnel (burn-out), nombreux étaient ceux qui déployaient une intense implication personnelle dans un travail avec des personnes durant de longues périodes (travail social ou enseignement par exemple). Ce n'est donc pas un hasard si les premiers cas de burn-out étudiés concernaient le personnel médical des hôpitaux américains. Actuellement, notre société occidentale lie fortement la réussite et le "bonheur" individuel à l'épanouissement dans le travail alors qu'auparavant, d'autres valeurs étaient véhiculées par nos sociétés. L'appartenance à une catégorie sociale déterminée offrait un sentiment de réconfort et de contrôle sur sa destinée. Une situation professionnelle où la réalité ne correspond pas à ses attentes (réelles ou supposées) peut alors engendrer un puissant sentiment d'échec et de dévalorisation chez l'individu. La volonté de persister à essayer de réaliser ce que l'on souhaite peut conduire l'individu à développer des états de stress, de dépression, etc. Au niveau individuel, il a été constaté que les personnes les plus sujets à ce type de problématiques étaient des individus ayant une mauvaise estime d'eux-mêmes et des faiblesses dans le domaine de l'affirmation de soi. Malheureusement, nous ne sommes pas préparés et éduqués à faire preuve d'une juste estime et affirmation de soi. Qui n'a jamais éprouvé des difficultés à se positionner, à dire «non», à clairement formuler des demandes ou des critiques, à assumer un rôle de responsable dans une équipe ?

                                                            
La Barbarie douce ‐ La modernisation aveugle des entreprises ou de l'école, Jean‐Pierre Le Goff, éd. La Découverte (Paris, 1999)  

Cet article va particulièrement étudier deux "maladies" du travail et explorer quelques pistes de solutions individuelles pour y remédier. En premier lieu, nous étudierons le syndrome d'épuisement physique et émotionnel (burn-out), ainsi que le cas du harcèlement au travail (mobbing). Le syndrome d'épuisement physique et émotionnel (burn-out) Le terme de "burn-out" est apparu dans la littérature médicale américaine au cours des années 1970 et a fait depuis lors l’objet d’une évaluation assez exhaustive dans la pratique des diverses spécialités dans le domaine de la santé.
Initialement, une étude portant sur plus de 600 sujets aux Etats-Unis a permis de montrer que le "burn-out" est susceptible d’entraîner une diminution notable de la productivité, une augmentation de l’absentéisme, de la consommation médicale et un accroissement du turn-over des personnels. Un phénomène responsable de changements importants au niveau des comportements et de l’état physique des sujets affectés peut conduire à des troubles psychologiques et à une consommation abusive de substances psychotropes et/ou d'alcool. Le "burn-out" se définit comme un affaiblissement et une usure de l'énergie vitale provoqués par des exigences excessives que l'on s'impose ou qui sont imposées de l'extérieur (travail, famille, amis, systèmes de valeur, société) et qui minent nos forces, nos mécanismes de défense et nos ressources. C'est un état émotif qui s'accompagne d'une surcharge de stress et en vient à influencer notre motivation, nos attitudes et notre comportement. L’évolution peut aboutir secondairement à des tableaux dépressifs plus ou moins sévères, notamment au passage à l’acte suicidaire. Le cas des suicides de salariés de l'entreprise Renault au Technocentre de Guyancourt en est un navrant exemple. Ce syndrome n'est malheureusement pas exceptionnel. Au niveau des professionnels de la santé mentale, plusieurs études réalisées en Angleterre rapportent des chiffres importants : 2% du personnel présenteraient des critères avérés de "burn-out" et 40% un état d’épuisement émotionnel. De la même manière, plus de 15% souffriraient de manifestations de dépersonnalisation et 25% d’un sentiment chronique d’insatisfaction professionnelle. Ces éléments sont en outre reliés à un taux d’absentéisme accru ainsi qu’à l’abus d’alcool et/ou de médicaments. Dans le cas précis du syndrome d'épuisement physique et émotionnel, les causes de ce syndrome sont également environnementales et individuelles.

Au niveau environnemental, les principaux facteurs pouvant conduire au burn-out sont les suivants :
- Des conditions physiques de travail inconfortables telles que des endroits surchauffés, du bruit etc.
- L'ambiguïté de certaines fonctions mal définies.
- De mauvaises politiques de l'entreprise, des supérieurs rigides et/ou incompétents.
- Des demandes parfois inappropriées ou des délais absurdes.
- Des mésententes constantes et des jeux de pouvoirs continuels avec des collègues.

Citons l'exemple du milieu bancaire ou assurantiel, sous le coup d'un changement de cap important. Des personnes formées et expérimentées pour le service à la clientèle (caissières, conseillers clientèle), intéressées par les relations humaines et le conseil, se retrouvent tout à coup précipitées dans un univers de production, de vente, de marketing, d'obsession du chiffre d'affaires. Elles font désormais un travail contraire à leur personnalité et négligent ce qui est important pour elles. Une brutale transformation de leur environnement peut fragiliser et entraîner certains individus au burn-out. En outre d’une situation professionnelle ne correspondant pas à ses attentes et d'une intense implication personnelle, d’autres facteurs individuels peuvent amener les
individus au syndrome d'épuisement physique et émotionnel :
- Un surinvestissement dans son travail, avec le risque de se mettre en état de dépendance affective ou intellectuelle.
- Une situation où l'on a le sentiment de donner plus de soi-même que l'on ne reçoit en retour, auprès de ses clients, collègues ou supérieurs.

Le burn-out fait des victimes surtout parmi celles qui, en raison de leur engagement par rapport au travail, de leur volonté de maintenir une certaine image d'elles- mêmes, ou encore de leur besoin de réussite sociale ou de pouvoir personnel, entretiennent des attitudes, des comportements qui déterminent une mauvaise réponse au stress. Or les milieux de travail respectent de moins en moins les différences individuelles et exigent que tous les salariés soient performants dans toutes les situations. On veut des individus interchangeables, dont on peut se séparer aisément après utilisation
maximale. Phénomène qui créé un stress supplémentaire pour ceux qui travaillent. Quelle est la stratégie "thérapeutique" qu'un individu peut mettre en œuvre pour ne pas souffrir du burn-out ?

Les moyens suivants peuvent être classés en quatre phases : Tout d'abord, prendre conscience du problème ! Cette première phase pourrait apparaître comme inutile mais il a souvent été constaté que les individus avaient réellement pris la mesure de leur état d'épuisement qu’une fois le niveau critique atteint ou dépassé. En cernant le problème, il est déjà possible de savoir ce qui est dû à soi-même et/ou à des éléments exogènes. Ensuite, se décider à agir. Il s'agit alors de sortir d'une attitude de fuite (plaintes, dévalorisation, etc.) pour analyser ce qui est possible de changer. Les individus s'aperçoivent souvent qu'ils possèdent davantage de contrôle et de pouvoir sur leur vie et leur environnement en découvrant de nouveaux points de vue et de nouvelles perspectives de changement là où ils ne voyaient que problèmes et situations désespérées. Consulter un thérapeute peut être un premier pas vers l'action. D'autres méthodes sont également envisageables : s'inscrire dans une formation en développement personnel, suivre un coaching individuel ou de groupe et même commencer ou recommencer à pratiquer une activité artistique (théâtre, chant, peintures, etc.). En fait, dès qu'un individu se décide à agir, sa décision a, en soi, un effet thérapeutique en réduisant la sensation d'impuissance face à une situation difficile. Penser la problématique. Il est alors important de "mettre en problème"4 la situation pour distinguer les aspects pouvant être changés de ceux qui sont immuables. La démarche consiste à identifier la pluralité de points de vue et d'en dégager les aspects, les différentes facettes. Cet "Entraînement Mental" peut s'effectuer de façon autonome ou collective. Il est vrai qu'au départ, une démarche collective peut aider l'individu à identifier les points de vue, pouvant aller jusqu'à être contradictoires. La méthode du Théâtre-Forum5 est un excellent outil d'identification et de mise en conflit des points de vue qui peut même conduire à la résolution de la problématique. L'individu, suite à cette "mise en problème", pourra alors concentrer son énergie autant physique qu'émotionnelle vers les points où il aura le maximum de chance d'aboutir à un résultat.
                                                           

Penser avec l'Entraînement Mental, Peuple et Culture, éd. Chronique Sociale (Lyon, 2003)  Jouer le Conflit, Yves Guerre, éd. L'Harmattan (Paris, 2006) 

Développer de nouveaux moyens d'action
Une fois la problématique posée, le tri effectué en ce qui est possible de changer, ce qui est impossible de changer (facteurs environnementaux) ce qui vaut la peine d'être changé et ce qui ne vaut pas la peine, la stratégie consiste à mettre en œuvre de nouvelles capacités, de nouveaux comportements plus adaptés pour résoudre la problématique sous ces divers points de vue. Tout d'abord, il faut apprendre à se respecter, à établir ses limites en identifiant ses propres besoins. Ensuite, il faut apprendre à se faire respecter en améliorant ses capacités de négociation (savoir dire Non, etc.). Enfin, un travail sur l'affirmation de soi à travers les techniques de Développement Personnel peut permettre de réévaluer son approche au travail, ses objectifs professionnels et privés.

L'objectif de cette stratégie a pour but de résoudre la problématique personnelle de l'individu confronté au syndrome d'épuisement physique et émotionnel dans un cadre professionnel. Néanmoins, si les facteurs environnementaux pouvant engendrer ce syndrome ne sont pas combattus (aménagement du lieu de travail, mobilisation de l'ensemble du personnel et en particulier de la direction, signalement à la Médecine du Travail, etc.), le burn-out continuera à sévir malgré les efforts personnels déployés par l'individu. Le harcèlement au travail (mobbing). La notion de harcèlement moral au travail est apparue, en France, il y a une dizaine d'année à travers la série d'ouvrages des psychanalystes Christophe Dejours, Marie- France Hirigoyen, Christiane Olivier : “Souffrance en France”, “le Harcèlement moral” et “l’Ogre intérieur". Le mouvement est parti de Christophe Dejours, directeur du Laboratoire de psychologie du travail à Paris, qui le premier signale l'importance du harcèlement
dans l'entreprise. En 1998, il publie un essai sur la banalisation de l'injustice sociale dans notre société et y dénonce les effets pervers de la peur du chômage dans les entreprises françaises. Selon lui, nous sommes dans une conjoncture économique et sociale identique en de nombreux points à une situation de "guerre économique". On use alors de méthodes cruelles (harcèlement moral) afin d’exclure les plus faibles et d’exiger des autres des performances toujours plus élevées en matière de productivité, de disponibilité, de discipline et de don de soi. Pour l'auteur, une forme de violence, de mal, se pratique quotidiennement à travers un management qui favorise dissimulation et manipulation. A l'appui de sa thèse, un rapport du Bureau International du Travail, la même année, confirme qu'un salarié français sur dix se déclare victime de violences, telles que l’intimidation, sur son lieu de travail.
                                                            

 Souffrance en France, Christophe Dejours, Ed. du Seuil (Paris, 1998)  Rapport sur l'emploi dans le monde 1998 99 ‐ 
Employabilité et mondialisation: Le rôle crucial de la formation, Bureau international du Travail, Genève, 1998 

Toujours en 1998, l'ouvrage de Marie-France Hirigoyen, "le Harcèlement moral" rencontre un surprenant succès. Elle précise que "par des paroles apparemment anodines, par des allusions, des suggestions ou des non-dits, il est effectivement possible de déstabiliser quelqu’un ou même de le détruire, sans que l’entourage n’intervienne". Il s’agit d’une violence insidieuse, certes "discrète" mais répétée, systématique, chronique et… quotidienne. Elle n’atteint pas, dans un premier temps, l’intégrité physique de la victime mais consiste à empiéter sur son territoire psychique. Pour Heinz Leymann, docteur en psychologie du travail, professeur à l’Université de Stockholm, "le concept de mobbing [harcèlement en anglais] définit l’enchaînement sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles, exprimés ou manifestés par une ou plusieurs personnes envers une tierce personne (la cible). Par extension, le terme s’applique aussi aux relations entre les agresseurs et leurs victimes. (..) Les caractéristiques du mobbing sont les suivantes : confrontation, brimades et sévices, dédain de la personnalité et répétition fréquente des agressions sur une assez longue durée." La notion de harcèlement a été fixée, en France par la loi de modernisation sociale
du 17 janvier 2002 tant dans le statut général des fonctionnaires que dans les codes du travail et pénal.

                                                            
 Le Harcèlement moral: la violence perverse au quotidien, Marie‐France Hirigoyen, Ed. Syros (Paris, 1998) 
 Mobbing, Heinz Leymann, Ed. du Seuil (Paris, 1996) 

- Article 6 quinquies du titre 1er du statut général des fonctionnaires (loi de modernisation sociale n°2002-73 du 17 janvier 2002)
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public.
- Article L 122-49 du code du travail (loi de modernisation sociale modifiée par la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003)
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». La définition donnée par le code pénal est sensiblement identique (art. L 222-33 du code pénal)
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Outre judiciaires, les conséquences pour l’entreprise sont souvent une diminution de la qualité du travail, de la motivation du personnel ainsi que de la collaboration entre les individus mais également une augmentation de l’absentéisme, ainsi que des taux élevés de rotation du personnel. Les individus harcelés souffrent de maladies psychosomatiques, de dépression, de conduites addictives, ainsi que d'une tendance à s’isoler socialement. Le parallélisme des symptômes observés chez les personnes souffrants de harcèlement avec celles souffrant de burn-out est frappant. Comme pour l'épuisement au travail, les facteurs conduisant aux situations de harcèlement sont également environnementaux et individuels. Dans le domaine des causes environnementales, il semble évident que le contexte économique actuel auquel sont confrontées les entreprises renforce le phénomène de harcèlement au travail. Le management et la gestion des Ressources humaines sont des facteurs qui influant considérablement sur les conditions de Harcèlement au travail. Le manque de clarté dans la définition des tâches, le manque d’information, les difficultés ou l’incapacité des supérieurs à poser des limites précises, à définir un cadre de fonctionnement, à aborder de manière assertive les conflits constituent sans nul doute un terrain propice au mobbing. Au niveau individuel, les études indiquent des problématiques de manque d’Estime de soi, telles que des difficultés à se positionner, à dire "Non", à formuler des demandes ou des critiques claires, à assumer un rôle de responsable dans une équipe, etc. "Les victimes idéales des pervers moraux sont celles qui, n’ayant pas confiance en elles, se sentent obligées d’en rajouter, d’en faire trop, pour donner à tout prix une meilleure image d’elles-mêmes ", remarque Marie-France Hirigoyen. De nombreux thérapeutes soulignent que nous assistons à une recrudescence des "pathologies du narcissisme" (image et estime de soi), cette capacité à s’évaluer et à s’aimer. Quelles solutions et quels moyens de prévention peuvent être mis en œuvre pour lutter contre le harcèlement au travail? Au niveau des entreprises, il est important de sensibiliser l'ensemble du personnel (des employés à la Direction) aux conséquences judiciaires et financières que génèrent les situations de mobbing. Mettre en place des procédures claires et justes de médiation entre employeurs et employés (via la représentation syndicale et/ou du personnel par exemple) est une démarche positive. Il faut également insister sur le développement des compétences relationnelles et de management du personnel (management d'équipes, conduite de projets, prise de parole en public, gestion du stress et des conflits, etc.). Cette sensibilisation peut s'effectuer grâce à des formations en développement personnel et/ou au coaching.


 L'Estime de soi, Christophe André, François Lelord, Ed. Odile Jacob (Paris, 1998) 

Ici encore la méthode du Théâtre Forum, qui consiste à travailler les rôles sociaux en examinant dans le jeu de théâtre, les alternatives et leurs conséquences possibles à une situation donnée (le harcèlement moral), offre une alternative intéressante dans la lutte contre cette situation. H. Leymann évoque dans son ouvrage12 une méthode interactive d’informations et de discussions utilisée en Norvège pour étudier le phénomène de mobbing qui s'apparente à celle du Théâtre Forum. Au niveau individuel, faire appel à un soutien extérieur (personnel ou professionnel) est un premier pas nécessaire. Ce soutien peut être un "allié" dans son service, la Médecine du Travail, les représentants du personnel, un avocat, un thérapeute, etc. Se confier à ses amis, à ses proches, c’est déjà enrayer le processus de culpabilisation et de confusion dans lequel l'individu harcelé est plongé. De plus, il faut établir un processus de communication assertive dans sa relation avec l'harceleur et l'ensemble des collègues de travail (ne pas tenter de s'opposer ou d’entrer en conflit ouvert, réduire les échanges pour ne pas donner prise à l’argumentation, trouver la bonne distance et définir le cadre de la relation en fixant des limites et des repères significatifs, etc.) Enfin, un travail psychologique (individuel ou en groupe) pour restaurer une juste estime de soi est nécessaire. Une prise de conscience collective et individuelle est indispensable pour diminuer les situations de harcèlement au travail.

Il est donc capital de réduire à la fois les facteurs environnementaux et individuels pour remédier à ces nouvelles "pathologies du travail". Cette réduction de facteurs négatifs est une opportunité pour une gestion des Ressources humaines et du management plus humaniste et moins coûteuse autant socialement que financièrement.

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